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C’est l’apparition d’une bille de métal dans mon sexe,
C’est mon sexe qui fait naître la bille,
C’est la projection de mon cerveau.
Elle est noire comme si je ne la voyais pas, brillante des reflets d’une lumière que je sais sans source.
Pas d’autres sources.
C’est tes doigts qui rejoignent tes doigts quand tu appuis fort sur mon ventre,
C’est l’apparition de la bille entre tes doigts.
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Ne lâche pas. La bille de métal enfle dans mon sexe, elle rayonne des échos qui arrivent, elle rayonne de chaleur, la chaleur monte, les échos montent, et la bille enfle, monte sans monter de tout ce qui monte. La bille enfle dans mon sexe qui écarte le plus possible ses bras.
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Puis mon sexe se contracte d’un coup : les bras ont pris le pouvoir, les bras sont pris de pouvoir, ils aiment leur violence, et la bille de métal explose en lame. La lame et son cri - ce qu’ils voulaient, la lame remonte mes entrailles jusqu’à mon menton à qui elle donne son dernier coup en venant se planter dans mon crâne.
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C’est bon.
C’est le coup dans mon menton, c’est la pointe de mon crâne qui retient celle de la lame, qui rejoue,
Encore,
un peu,
encore un peu, en se maintenant appuyé sur le matelas. C’est moi contre moi, c’est toi à ce service des forces jusqu’au bout de la force.
Je lâche, mon crâne lâche, c’est le noir dans le crâne et partout.
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La lame, sur son chemin, a croisé un point d’interrogation battant sur le ventricule de mon cœur, elle l’a ignoré. Celui qui se recroqueville, celui qui peut douter. La question ce n’est pas la question. Le détour n’est pas son chemin. C’était bon.
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Je ne bouge plus. Mon cerveau a retrouvé son volume et ses nuances d’imagination et de clarté. Je retrouve la bille, elle est plus petite, une tièdeur qui flotte à l’entrée de mon sexe, la bille tète à l’entrée de mon sexe pendant que j’adoucie l’air dans mes poumons, pendant que tes doigts, à côté d’elle, s’essuient sur ma cuisse. Elle les regarde. Tes doigts étonnés. Ils ont d’abord eu le réflexe de s'essuyer, ils ont tracé un trait, mais, quoi/, ça les intéresse ce liquide qui se rétracte quand on l’étale. Tu regardes. Dans la flaque tes doigts restent immobiles. Bientôt ils vont avoir une idée.
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Alors ils dépassent un peu. Ils pensent qu’on ne les voit pas. Ils caressent. Lentement. Ils font semblant de caresser, que font-ils, ils se retournent pour l’ongle. Ils veulent voir leur pouvoir de division, oui, c’est la mémoire dans les mains qui a donné l’idée, c’est la mémoire de séparer, de compter, de séparer pour compter ensuite, de séparer pour énumérer, pour dire avec la voix ce qu’on a inventé devant soi, c’est la mémoire pour faire sien. Avec la première lame. J’aime tes mains qui usent de leurs outils, leurs pulpes que tu as d’abord offertes à ma bouche, qui se sont refermées sur ma cheville, ses lames qui t’ont servi de griffes sur les vantaux de mon dos, d’agrafes à ma taille, ces lames et toute leur mémoire qui résonnent avec l’impatience des secondes sur les tables des bistrots.
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Mon impatience.
Toi en face de moi. Tu arrives. Un sourire qui me repasse devant le visage.
Salut.
Ne pas nous saisir, ne pas nous toucher.
Parler.
Parler parler.
J’aime que tu parles.
Parler parler parler.
Et cette force dans ma nuque, cette urgence tenue ferme par les épaules pour qu’elle reste tranquille. Reste assise.
C’est le lac civilisé en coupe médiane dans mon cerveau.
C’est la rivière qui dégringole les galets dans mon ventre.
Parler parler.
Parler encore un peu.
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(Rythme, Sonia Delaunay, 1938)